Racontez-nous l’histoire de l’Académie de danse RMT.

Depuis près de 40 ans, l’Académie de Danse Régine Mont-Rosier Trouillot forme des milliers de danseurs et danseuses. Cette année, pour son spectacle annuel, elle nous livre un show original et haut en couleur en mettant en scène l’un des chefs-d’œuvre du célèbre Maurice Sixto: Zabèlbòk Bèrachat.

Racontez-nous l’histoire de l’Académie de danse RMT.

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J’avais 17 ans quand il m’a fallu abandonner la danse professionnelle pour des raisons de santé. J’avais été soumise, au «School of American Ballet», à des années d’apprentissage intensif et rigoureux sous la direction de Georges Balanchine, l’un des plus grands chorégraphes du XXè siècle.

Des années inoubliables qui m’ont forgée et ont contribué à faire de moi la personne que je suis aujourd’hui. Et, j’allais vivre cet arrêt brutal, indépendant de ma volonté, comme un vrai déchirement. Pendant longtemps, je n’ai plus voulu entendre parler de la danse. Elle représentait tout pour moi. Elle était en moi. Je ne pouvais pas la fuir éternellement. Aussi, des années plus tard, quand j’ai enfin pu me réconcilier avec elle, j’ai décidé d’ouvrir, à New York, en 1977, une école de danse que j’ai appelée Académie de danse RMT. Deux ans après, je reçus une invitation pour venir donner des cours d’été en Haïti. Je n’en suis plus jamais repartie. La nouvelle Académie de danse RMT prit naissance, en Haïti, un jour de janvier de l’année 1979. Depuis, nous avons formé des milliers de jeunes et sommes heureux et fiers de constater que certains d’entre eux ont aujourd’hui leur propre école ou sont devenus des enseignants en danse classique. D’autres font carrière à l’étranger.

Le sérieux de notre enseignement ainsi que le haut degré de professionnalisme qui imprègne tous nos spectacles auront, au fil des années, aidé à construire notre réputation et à nous inscrire dans la durée. Toutefois, notre plus grande satisfaction réside dans le fait d’avoir pu offrir à nos anciens élèves, une carrière dans la danse.


On parle souvent de l’aspect « académique » de votre institution. En quoi cela la rend-elle différente des autres écoles de danse de la place ?


Une académie et une école de danse n’ont pas la même vocation, ni les mêmes objectifs ou les mêmes exigences. Une école de danse peut se contenter d’offrir une simple activité de loisir ou une simple activité sportive à ses élèves. À l’Académie de danse RMT, les élèves viennent pour s’exercer à l’art de danser. Ici, nous enseignons, en tout premier lieu, l’art du ballet classique qui est l’ABC de la danse. Un art à part entière, comme la musique, la peinture, etc., avec ses règles et ses principes. Pour obtenir les meilleurs résultats, on doit pouvoir s’astreindre à une certaine discipline. Ce qui est nécessaire non seulement pour le danseur, mais aussi pour l’apprenti. Nous insistons beaucoup ici sur la tenue et le comportement de la future danseuse. Nous avons le souci de lui apprendre, à travers la danse, comment arriver à maîtriser son corps et son esprit afin de devenir non seulement une artiste accomplie mais, aussi et surtout, un meilleur être humain. Au final, la danse aura modelé tout son corps, tout son être, tout son esprit et jusqu’à son âme. Elle apprendra à aimer les autres parce qu’elle aura appris à s’aimer elle-même. Elle respectera les gens, les choses et tout ce qui l’entoure. En un mot, elle apprendra à découvrir la beauté dans tous ses aspects. Elle sera prête pour affronter la vie puisque la danse aura développé, chez elle, la volonté, la maîtrise de soi et l’autodiscipline. C’est un processus qui peut prendre plusieurs années mais, l’enseignement une fois acquis, reste à jamais ancré dans l’élève qui aura accepté d’apprendre pour en tirer les nombreux bénéfices. Le bonheur de danser le ballet classique est quelque chose d’indescriptible !


Comment se passe la collaboration Mère-Fille au sein de l’Académie ?


J’ai la chance de pouvoir compter sur une collaboratrice extraordinaire. Nathalie Dalzon est non seulement ma fille, elle est aussi ma sœur, mon amie en plus d’être l’Assistante-Directrice de l’Académie. Elle est ma complice et nous nous comprenons souvent d’un regard. Elle a étudié, elle aussi, au School of American Ballet à New York. Nous avons donc reçu le même entraînement issu de la technique de George Balanchine. Elle enseigne le ballet, la danse contemporaine et le Hip hop. Elle est aussi en charge de la partie administrative. Nathalie s’occupe des choses essentielles au bon fonctionnement de l’Académie et me rappelle souvent à la réalité lorsque, par exemple, à l’époque des spectacles, je désire entreprendre des choses impossibles qui ne tiennent pas toujours compte du budget. Le fonctionnement, la vie de l’Académie au quotidien lui doivent énormément. Je suis très reconnaissante de son travail, de son apport. Et, en même temps, je suis très fière d’elle.


Quelles sont les compétences professionnelles et les qualités personnelles nécessaires pour devenir danseuse ? Professeur de danse ?


Le métier de danseuse et celui de professeur de danse sont, bien évidemment, deux aspects de la danse complètement différents l’un de l’autre.

Pour devenir une danseuse professionnelle, cela exige que l’on commence dès son plus jeune âge, de préférence entre 7 et 10 ans, à prendre des cours de ballet. À moins, bien sûr, de s’appeler Misty Copeland, de commencer à 13 ans la danse classique et de devenir la première danseuse étoile afro-américaine de l’American Ballet Theatre à force de talent, de volonté et de détermination. À l’Académie de danse RMT, nous avons un programme, le Kinder ballet, qui nous permet d’accueillir les enfants, dès l’âge de trois ans.

Il est recommandé de bien choisir l’école qui devrait répondre aux normes internationales de la danse. Pour devenir une danseuse professionnelle, l’élève doit être prête à affronter une discipline de fer, au fur et à mesure qu’elle atteint les différents niveaux; avoir une volonté farouche et une persévérance inébranlable. Elle devra non seulement toujours surveiller son poids mais elle devra apprendre aussi à sacrifier beaucoup de sa vie personnelle afin de consacrer presque tout son temps à ses études académiques et à son entraînement en danse. Elle dansera professionnellement par amour pour la danse et non pas pour faire fortune. En retour, elle pourra connaître une vie riche et épanouie intérieurement : elle deviendra la danse elle-même.

Le professeur également devra avoir effectué des études approfondies au sein d’une institution qualifiée et reconnue afin de s’assurer que l’enseignement qu’il dispense est adéquat. Il devra avoir appris à connaître son corps, à maîtriser à fond chaque fibre de son être, à avoir un sens aigu de la musique et à être exigeant.

Il doit savoir détecter les faiblesses de l’apprenti et les redresser à temps afin d’éviter à l’élève d’acquérir de mauvaises habitudes. Le professeur doit avoir des convictions fermes et ne doit jamais céder à la médiocrité sous la pression extérieure. Il doit pouvoir guider l’élève quand il semble trébucher.

Le professeur fait don de lui-même à ses élèves; il traverse, avec eux, les hauts et les bas et les soutient en vue d’atteindre le but ultime. Le professeur donnera tout ce qu’il a appris, transmettra toutes ses expériences à ses étudiants et, encore une fois, toujours par amour pour cette discipline. Dans le monde de la danse, tout doit se faire par amour.


Zabèlbok Bèrachat


Parlez-nous du spectacle que vous présentez cette année « Zabèlbok Bèrachat ».


« Zabèlbok Bèrachat » est l’un des plus grands chefs-d’œuvre de Maurice Sixto. Il raconte l’histoire d’un jeune homme né d’une famille modeste et qui choisit de se laisser vivre. Il est totalement insouciant. Il vit comme un parasite qui ne recule devant rien pour parvenir à ses fins. Zabèlbòk joue à l’intellectuel, au grand monsieur qui veut, sans scrupules, jouir de tous les agréments de la vie sans se donner le moindre mal. Et, même, après des expériences désastreuses où tout s’écroule autour de lui, il continuera, malgré tout, à faire comme si de rien n’était, sans jamais rien apprendre de ses expériences malheureuses. Maurice Sixto a le don incroyable de faire rire son auditoire pour mieux faire passer des messages. Il disait d’ailleurs : « Quand on écoute mes pièces pour la première fois, on rit. Quand on les écoute pour la seconde ou la troisième fois, ça invite à réfléchir ». « Zabèlbok Bèrachat » est une satire qui s’attaque à la nonchalance, à l’esprit désinvolte et au je-m’en-foutisme qui continuent de caractériser beaucoup de jeunes et beaucoup d’hommes évoluant au sein de la société haïtienne.


Pourquoi interpréter Maurice Sixto ?


Tout d’abord, je dois vous avouer que j’ai une grande admiration pour Maurice Sixto, pour son génie, son talent de conteur et son érudition. Je pense qu’il est un monument de notre patrimoine culturel. J’ai le sentiment que notre culture se perd de plus en plus. Elle semble littéralement reculer devant des cultures étrangères. Parfois, je ne reconnais plus nos musiques, nos danses et même le créole haïtien. En ce sens, Maurice Sixto est un exemple à offrir aux jeunes. Il est important et même impératif que la génération d’aujourd’hui et celle de demain apprennent à le connaître et à le découvrir. Sa mémoire doit demeurer inoubliable.


Maurice Sixto n’a jamais écrit un seul récit. Toutes ses histoires (des histoires vécues où il a juste changé les noms des personnages) ont été contées de mémoire et spontanément. Il est devenu aveugle à 35 ans. C’est donc à travers l’ouïe et une sensibilité accrue, qu’il a pu nous transmettre toutes les attitudes et les expressions de ses personnages de contes. Maurice Sixto est, sans conteste, l’un des plus grands comédiens et diseurs de notre histoire, en plus d’avoir été une voix de la conscience haïtienne. Il adorait Haïti, son pays. Il nous a laissé un trésor de culture à travers ses pièces. Il fait partie de notre patrimoine national.


Adapter Maurice Sixto en ballet n’a pas du être une tâche facile. D’où vous vient l’inspiration ?


Ce n’est pas la première fois que j’adapte, en ballet, une œuvre de Maurice Sixto. Je l’ai déjà fait, il y a plusieurs années, avec «Ti Sainte Anise». Non, ce n’est pas du tout facile à faire, pour répondre précisément à votre question. C’est même épuisant. Ce genre de spectacles nécessite des mois (8 mois) de répétitions quotidiennes. L’inspiration surgit parfois en pleine nuit et au moment où je m’y attends le moins. Un mot, une image qui viendra me hanter pendant plusieurs jours. Puis, soudain, tout tombe en place. Les indices me guident et, petit à petit, je comprends ce que je cherche et se dressent sur mon chemin, les personnages, les musiques appropriées, etc. C’est difficile à décrire mais le processus est toujours le même. Une fois la décision arrêtée en moi, mon intuition me guide, sans cesse présente et infaillible.


À quoi peut-on s’attendre les 23 et 24 juin prochains ?


L’Académie de danse RMT présentera « Zabèlbok Bèrachat » non pas seulement comme son spectacle annuel, les 23 et 24 juin, à Tara’s la Sapinière, mais ce sera aussi un hommage mérité à l’immense artiste que fut Maurice Sixto ainsi qu’à notre chère Haïti. Nous avons volontairement choisi à 99% des musiques haïtiennes que ce soit pour le ballet, le folklore, le hip hop ou le rap. Le tout sera joué, en direct, par l’orchestre de CED’ART. Nous aurons aussi l’honneur et le plaisir de recevoir J PERRY qui nous interprètera son dernier hit « Ki moun ou ye ». Nous allons faire revivre le personnage de Maurice Sixto à travers Wally Steven Laguerre, un jeune acteur très talentueux qui voue une folle passion au barde de notre littérature orale. Son interprétation est très impressionnante.


Un dernier mot…


L’écrivain haïtien Jean Fouchard a écrit un jour: « C’est toute notre âme, la danse et la musique ». C’est toute l’âme haïtienne qui va vibrer sur scène les 23 et 24 juin, à Tara’s. C’est avec beaucoup de fierté que la RMT Académie de danse met en scène « Zabèlbòk Bèrachat ». C’est aussi un privilège et un honneur pour nous d’avoir l’opportunité de présenter, en danses et en musiques, à toute la jeunesse d’aujourd’hui, ce géant de la culture haïtienne qu’est Maurice Sixto. Merci à la Fondation Maurice A. Sixto dirigée par Mme Gertrude Séjour de perpétuer son souvenir. Et nous remercions, bien sûr, N.B d’avoir pensé à nous !


 


Regine Mont-Rosier Trouillot

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Ale anpè miss Gauthier travay la ap kontinye ou gen pitit ou ki nan 4 kwen la tè tout otan gen tanbou kap bat danse folklorik ap danse se tout otan ke w vivan pami nou mesi pou patrimwan sa ou te sakrifye tout vi w pou li a chak gren moun ki te gen chans rankontre w gen yon istwa pou yo rakonte esperyans yo ka diferan men yo rezimè a menm bagay Viviane Gauthier manman danse folklorik la merci pou tou.