SORIN EMMANUEL JUES
Je suis allé jusqu'au sommet de la montagn
« Eh bien, je ne sais pas ce qui va arriver maintenant. Nous avons devant nous des journées difficiles, mais peu m'importe ce qui va m'arriver maintenant, car je suis allé jusqu'au sommet de la montagne. Je ne m'inquiète plus. Comme tout le monde, je voudrais vivre longtemps. La longévité a son prix, mais je ne m'en soucie guère maintenant. Je veux simplement que la volonté de Dieu soit faite. Et Il m'a permis d'atteindre le sommet de la montagne. J'ai regardé autour de moi et j'ai vu la Terre promise. Il se peut que je n'y pénètre pas avec vous, mais je veux vous faire savoir, ce soir, que notre peuple atteindra la Terre promise. Ainsi je suis heureux, ce soir. Je ne m'inquiète de rien. Je ne crains aucun homme. Mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur. »
« Je suis allé jusqu'au sommet de la montagne ». Voyez-vous, si je me trouvais au début des temps avec la possibilité d'avoir une vue panoramique sur toute l'histoire du genre humain jusqu'à nos jours, et si le Tout-Puissant me demandait : « Martin Luther King, à quelle époque veux-tu vivre ? », je m'en irais mentalement en Égypte et je verrais le peuple de Dieu entamer sa marche magnifique pour s'évader des sombres donjons d'Égypte à travers la mer Rouge, et franchir le désert vers la Terre promise.
Toutefois, en dépit de sa magnificence, je ne m'y arrêterais pas. Je poursuivrais ma route jusqu'en Grèce et transporterais mon esprit sur le mont Olympe. Là, je verrais Platon, Aristote, Socrate, Euripide et Aristophane assemblés autour du Parthénon, en train de discuter des grandes et éternelles questions que pose la réalité.
Mais je ne m'y arrêterais pas. Je poursuivrais ma route jusqu'aux beaux jours de l'Empire romain. J'y verrais les événements survenus sous de grands chefs et de grands empereurs. Mais je ne m'y arrêterais pas. Je parviendrais même jusqu'aux temps de la Renaissance et admirerais rapidement tout ce que la Renaissance a apporté à la vie culturelle et esthétique de l'homme.
Mais je ne m'y arrêterais pas. J'irais même là où vivait celui dont je porte le nom, et je verrais Martin Luther clouer ses quatre-vingt-quinze thèses sur la porte de l'église de Wittenberg.
Mais je ne m'y arrêterais pas. Je parviendrais même à l'année 1863 et observerais un président hésitant nommé Abraham Lincoln se résoudre finalement à signer la proclamation d'émancipation.
Mais je ne m'y arrêterais pas. Je parviendrais même au début des années trente et verrais un homme se colleter avec les problèmes que pose la banqueroute de son pays et crier : « Nous n'avons rien à craindre que la crainte. » (Roosevelt)
Mais je ne m'y arrêterais pas. Bizarrement, je me tournerais vers le Tout-Puissant et lui dirais : « Si Tu m'accordes de vivre juste quelques années dans la seconde moitié du XXe siècle, je serais heureux. » C'est là une demande bizarre, car le monde est sens dessus dessous. Notre nation est malade. Le pays est en proie à des troubles. La confusion règne partout. C'est là une demande bizarre. Mais d'une façon ou d'une autre, vous ne voyez les étoiles que s'il fait assez noir pour cela.
Et je vois Dieu à l'œuvre, en cette période du XXesiècle. Quelque chose est en train d'arriver à notre monde. Les masses populaires se dressent. Partout où elles s'assemblent aujourd'hui - que ce soit à Johannesburg, en Afrique du Sud, à Nairobi, au Kenya, à Accra, au Ghana, dans la ville de New York, à Atlanta, en Géorgie, à Jackson, au Mississippi, ou à Memphis, dans le Tennessee - le cri est toujours le même : « Nous voulons être libres ! »
Une autre raison pour laquelle je suis heureux de vivre à notre époque, est que nous nous trouvons, par force, à un point où il faudra nous colleter avec les problèmes que les hommes ont tenté d'empoigner pendant toute leur histoire, sans que l'urgence soit telle qu'ils s'y trouvent forcés. Toutefois, il y va maintenant de notre survie. Les hommes depuis des années déjà parlent de la guerre et de la paix. Désormais, ils ne peuvent plus se contenter d'en parler ; ils n'ont plus le choix entre la violence et la non-violence en ce monde ; c'est la non-violence ou la non-existence. Voilà où nous en sommes aujourd'hui.
Il en va de même pour ce qui concerne la révolution en faveur des droits de l'homme. Si rien n'est fait de toute urgence dans le monde entier pour sortir les peuples de couleur de leurs longues années de pauvreté, des longues années pendant lesquelles ils ont été maltraités et laissés à l'abandon, c'est le monde entier qui ira à sa perte.
Aussi suis-je heureux que Dieu m'ait permis de vivre à notre époque pour voir ce qui s'y passe. Et je suis heureux qu'il m'ait accordé de me trouver aujourd'hui à Memphis. Je peux me rappeler le temps où les Noirs se contentaient de tourner en rond, comme l'a dit si souvent Ralph, se grattant là où ça ne les démangeait pas, riant quand on ne les chatouillait pas. Cependant, ce temps est entièrement révolu. Nous parlons sérieusement désormais et nous sommes déterminés à obtenir notre juste place dans ce monde de Dieu.
Et c'est là tout ce dont il s'agit. Nous ne sommes engagés dans aucune protestation négative, dans aucune discussion négative vis-à-vis de personne. Nous disons que nous sommes déterminés à être des hommes. Nous sommes déterminés à être des personnes. Nous affirmons que nous sommes des enfants de Dieu. Et si nous sommes des enfants de Dieu, nous n'avons pas à vivre comme on veut nous forcer à vivre.
Qu'est-ce que cela signifie en cette importante période de l'Histoire ? Cela signifie qu'il nous faut rester ensemble. Il nous faut rester ensemble et maintenir notre unité. Vous savez, chaque fois que Pharaon voulait prolonger le temps de l'esclavage en Égypte, il utilisait sa recette favorite pour y parvenir. Laquelle ? Dresser les esclaves les uns contre les autres ! Toutefois, quand les esclaves sont unis, il se passe quelque chose à la cour du Pharaon, et celui-ci ne peut les maintenir en esclavage. Lorsque les esclaves s'unissent, c'est le commencement de la fin de l'esclavage. Maintenons notre unité. »
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